Professeur de philosophie à la Columbia University, Souleymane Bachir Diagne est un sénégalais, spécialiste de l’histoire des sciences et de la philosophie islamique.
Education, recherche, logique, prospective, tradition : Dans cette interview accordée à Thinking Africa, Souleymane Bachir Diagne apporte un éclairage sur les grands enjeux de l’Afrique et pour les africains, aujourd’hui et demain, et revient sur la controverse sur l’idée de Philosopher en Afrique.
Quelques verbatims extraits de l’entretien.Sur la philosophie
La philosophie est questionnement. La philosophie est rencontre. Et c’est en cela que la philosophie est chose utile. Ce n’est pas quelque chose qui va contre la religion, c’est quelque chose qui organise la rencontre de la religion avec le questionnement humain.
Sur la police
Les polices sont formées à penser que leur travail consiste à policer la société contre ceux qu’ils estiment être les classes dangereuses, et donc à protéger, au fond, les possédants. Cela donne une sorte d’inclination naturelle vers une sorte de suspicion immédiate que celui qui est chargé de policer la société va avoir vis-à-vis de celui qui, pour lui, est la représentation de celui contre qui il faut défendre la société.
Sur la pensée de la Mutualité
La mutualité, c’est refuser de n’être simplement des cultures ou des langages les uns à côté des autres mais d’être aussi la visée d’un horizon commun. Et cette visée, dès lors que j’utilise le vocabulaire du langage, je l’appelle traduction. La traduction, c’est qui va créer de la relation et de la réciprocité entre des langues qui sont à priori, au départ, étrangères les unes aux autres.
Sur la prospective
Penser le temps futur pour déchiffrer, à l’horizon de l’avenir, les actions à mener aujourd’hui, cela nous est imposé par notre condition africaine.
Sur les langues africaines
La meilleure manière de s’écrire soi-même et d’être l’auteur de son propre récit de soi, c’est aussi de faire des langues africaines, des langues de la science, des langues de la créativité littéraire, artistique, etc… Nous ne pouvons pas accepter l’idée que nos langues soient confinées à des interactions privées et pour tout ce qui est sérieux (découverte, innovation, créativité), nous nous en référions systématiquement et toujours à d’autres langues.