Pratique du journalisme au Kivu: Un sacerdoce sans deniers de culte en RDC

Par Vincent Mukwege

RÉSUMÉ:
La précarité financière des organes de presse affecte largement la pratique du journalisme au Kivu et en RDC où celle-ci est devenue un sacerdoce sans deniers de culte. Les professionnels des médias travaillent dans des conditions précaires et les organes auxquels ils sont rattachés, bien qu’auxiliaires du système éducatif et vecteurs des valeurs culturelles, ne sont pas rationnellement régulés et subventionnés par l’Etat congolais. L’industrie médiatique congolaise n’est pas encore arrivée au stade d’entreprise, capable de s’ériger en corporation pour la mobilisation des ressources et la durabilité financières. Plusieurs variables expliquent cette précarité financière des médias, entre autres, le pluralisme et l’amateurisme médiatiques, le manque d’agences publicitaires spécialisées, le manque de lectorat. Le désintéressement du public aux médias, la présence des commerçants pas ou peu lettrés ne comprenant pas le rôle social de leurs entreprises et l’importance des médias pour le succès des affaires, font partie de ces variables. La RDC, où grouillent des organisations humanitaires avec des missions aussi complexes que floues, peine à mobiliser celles-là à apporter une bouffée d’oxygène aux médias. Dès lors, la précarité financière des organes de presse est partagée par divers acteurs, dans un contexte d’incertitude quant à l’efficacité du message publicitaire, de la culture du guichet fermé ou de la dissimulation de l’information. Le non-respect des textes légaux encourage également la pratique de l’arrangement à l’amiable, la corruption et l’évasion fiscale, l’absence de subventions étatiques aux organes de presse, etc.

CONTEXTE:
Cette publication s’inscrit dans un contexte d’interrogation sur la précarité financière des médias congolais en général et ceux du Kivu en particulier. Elle ambitionne d’expliciter les causes et les effets de cette insécurité économique des organes de presse privés et publics qui affecte qualitativement le produit informationnel et prive ainsi des milliers de citoyens de leur droit fondamental à l’information. Cette publication met un accent particulier sur le contexte politique de la RDC où des régimes politiques successifs ont inféodé les médias au risque d’accroître le désintéressement du public vis-à-vis de ces derniers. Les médias congolais ne bénéficient pas de subventions étatiques. Et pourtant, ils sont des auxiliaires du système éducatif. Cette note évalue donc les mobiles qui motivent les opérateurs économiques à se détourner des médias alors que l’achat des espaces publicitaires, dans une économie de marché, serait une bouffée d’oxygène considérable apportée aux organes de presse.

PROBLÉMATIQUE:
La précarité financière des médias en RDC en général, et dans les provinces du Sud et du Nord Kivu en particulier, est-elle explicable par la rareté, voire l’absence, d’achat d’espaces publicitaires par les opérateurs économiques ?
La capacité de la publicité médiatisée à stimuler la vente est-elle avérée ?
Quelles sont les autres variables explicatives de la précarité financière des organes de presse au Kivu et en RDC?

IDEES MAJEURES :
– Les menaces qui pèsent sur les professionnels des médiass et leurs organes de presse ne sont pas uniquement d’ordre politique ou sécuritaire, mais aussi, et bien plus, économique ;
– Le traitement de la question de la précarité financière des médias à l’est de la RDC renvoie à la sociologie des médias. Celle-ci est une réflexion portant sur l’impact de ces médias vis-à-vis de la vie politique, économique, socioculturelle, etc.
– La pratique du journalisme est étroitement liée à la science de l’information et de la communication;
– Dans une société de consommation, l’industrie médiatique doit disposer des ressources suffisantes pour répondre aux besoins et exigences de sa clientèle;
– L’incertitude vis-à-vis de la publicité et l’infidélité croissante des consommateurs constituent un défi majeur pour les entreprises médiatiques dans une économie de marché.

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