Dr Mamoudou Barry : L’Institut FREE Afrik rend hommage à un intellectuel engagé pour la cause africaine

Après l’ignoble meurtre de Dr Mamoudou BARRY ce weekend en France, le Directeur exécutif de FREE Afrik rend hommage, au nom de l’Institut, à un intellectuel engagé pour la cause africaine.

Il y’a 10 jours, je l’ai rencontré à Paris. Notre ami commun, Dr Said Abass Ahamed, me l’a amené pour que nous fassions enfin connaissance, physiquement, et que nous envisagions les collaborations tant souhaitées. Il venait de soutenir, il y a moins d’un mois, une brillante thèse sur la fiscalité minière en Afrique. Je connaissais déjà une partie de ses travaux relayés sur le site internet de Thinking Africa, le think tank dirigé par Said Abass, dont il était un chercheur.

J’ai découvert un jeune homme à la fois doux, posé, fin et passionné. Sans protocole, nous avons engagé tout de suite les échanges tant attendus sur les industries minières africaines autour de la question qui est à la base de son travail scientifique : comment les mettre au service du développement en Afrique par une fiscalité plus profitable aux peuples et, à terme, une véritable appropriation du secteur par les africains eux-mêmes. Nous avons parlé de tous ces pays aux potentiels exceptionnels dont bien sûr le sien, la Guinée.

Dr Mamoudou Barry avait une connaissance fine des techniques mises au point par les sociétés minières pour tirer de façon licite et illicite, les meilleures ressources de leur exploitation et en laisser le moins possible aux pays dans lesquels elles opéraient. Il étudiait également des parades que les États africains pourraient mettre en place pour protéger les intérêts des peuples. J’ai découvert un grand expert de la fiscalité minière et nos vues croisées de juriste et d’économiste se complétaient à notre immense joie. Saïd Abass en était également ravi mais point étonné, lui qui cherchait depuis longtemps l’occasion de la rencontre physique.

Tout de suite, nous avons convenu de projets qui devaient l’amener très vite à Ouaga et ailleurs en
Afrique. Il ne pouvait pas être là pour l’université de la jeunesse que FREE Afrik organise en août, mais nous envisagions sérieusement des voyages très prochains pour faire bénéficier de son expertise aux acteurs engagés dans l’appropriation africaine du secteur minier. Nous avons également parlé de projet de recherche transdisciplinaire. C’est sur cette note de satisfaction que Saïd Abass et moi l’avons raccompagné à sa voiture afin qu’il rejoigne sa famille à Rouen.

J’ai remercié Saïd Abass pour la belle rencontre qu’il venait d’organiser. Saïd Abass est un homme dédié à l’Afrique et qui a l’intelligence et la générosité d’être un lien entre plusieurs d’entre nous à travers le continent et sa diaspora. Dans la longue discussion que nous avons continuée, je lui rappelé cette injonction d’un ami cubain : le premier devoir d’un « révolutionnaire » est d’être en vie. Nous échangions souvent sur cette exigence de protéger les nôtres, nos pépites, nos héros. Hélas, aucune humanité n’a volé au secours de notre frère, notre pépite de Guinée, mort sous les coups barbares d’un criminel aveuglé par l’ignorance et la violence sourde, un meurtrier qui ne saura jamais ce qu’il a fait : dévasté une famille à jamais ; affligé des amis pour toujours ; ôté la vie à une valeur sûre, un intellectuel engagé, par la science, au service de son continent.

Il y a si peu d’universitaires africains dont les travaux portent sur les problèmes réels du continent. Lui en faisait partie. Mieux, lui était engagé à mettre ses résultats au service de la cause des peuples. Je suis ravi de lui avoir fait ce compliment qui n’est du reste que la stricte réalité. Dieu sait qu’il aurait pu monnayer ses talents pour d’autres causes dont le service rapporte tant et tant ! Un jeune homme de trente et un ans a été arraché à la vie, à sa femme, à sa famille, à ses parents, à la science, à sa cause, à la Guinée, à l’Afrique. L’Afrique perds un fils digne et valeureux, un homme de talent de la race de ceux dont elle a besoin pour son émancipation. Nous avons perdu une minorité historique.

Adieu fraternel et militant cher Mamoudou. Reposes en paix. Ton travail te survivra et ta mémoire restera vive dans nos coeurs.

Compassions et solidarité à ta femme et à toute ta famille.
Ra-Sablga Ouédraogo pour l’Institut FREE Afrik,

Ouagadougou 22-07-2019.

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